Détail d’une photo d’Yves Jeanmougin, Casablanca.

Je te haïrai si je peux
Youssef Fadel Écrivain

Les choses que j’avais coutume d’aimer, est-ce que je les aime encore ? Existent-elles encore pour que je continue à les aimer ?

Au milieu de notre maison se trouvait un figuier à l’époque où les figuiers ornaient encore les cours. Un figuier immense dont le tronc était peint de blanc en signe d’appartenance à la ville. Son fruit, quand il mûrissait au mois de septembre, était d’une saveur rare. On l’appelait la figue de l’hiver. Sa chair était d’un rouge délicat, comme celui des cerises. Parfois je grimpais pour cueillir quelques figues. Parfois elles tombaient d’elles-mêmes. On aimait ce jeu-là, le figuier et moi.

À l’heure de l’appel à la prière, mon père me demandait d’aller guetter le drapeau. Sur le seuil de la porte, je regardais en direction de la petite mosquée dont la blancheur était éclatante à la lueur du soir, et j’attendais que le drapeau blanc fût hissé sur le minaret. Plus tard, sont apparus des haut-parleurs qui vous agressent jusque dans votre profond sommeil.

Sur la route qui menait à la maison de mon oncle, des grenadiers, des pêchers et des citronniers se côtoyaient. La ville était vaste. Je partais chez mon oncle le matin et revenais le soir. Aux arbres lourds de fruits s’ajoutaient la forêt de tilleuls et les clôtures de cannes ombragées. L’enfant que j’étais s’attardait un peu du côté d’un bassin pour taquiner un poisson rouge. Puis traversait un ruisseau et s’arrêtait devant la petite ferme de Oum Habiba pour lui demander une pêche. Quelquefois, je devais passer la nuit chez mon oncle. Car les ogres aiment faire peur aux enfants. Ils guettent les passants tardifs sur les branches des arbres, au pied des clôtures de cannes et au bord des bassins. Oui, dans la ville d’autrefois, il y avait aussi place pour les contes.

La ville était grande, elle a rapetissé. Elle était vaste et s’est rétrécie. Elle était fleurie et s’est désertifiée. La vision était large, elle s’est réduite.

Les choses que j’avais coutume d’aimer, est-ce que je les aime encore ? Existent-elles encore pour que je continue à les aimer ?

Lire un extrait de la préface de Paul Balta.

Avoir un aperçu du livre. (séquence Flash)


Casablanca

Yves Jeanmougin photographies
Youssef Fadel texte

Préface de Paul Balta

Les photographies publiées dans ce livre ont été prises entre 1997 et 2006.

Livre broché 36 x 24 cm / 208 pages / 190 photographies en bichromie
Métamorphoses / Tarik éditions (2007)
ISBN 978-2-9514410-4-0

35 € [ au lieu de 45 € ]

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Métamorphoses
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Youssef Fadel
Né en 1949 à Casablanca, où il réside. Dramaturge, metteur en scène, romancier et scénariste, il est l’auteur d’une œuvre variée. Sa pièce La Guerre (1974) lui valut l’emprisonnement, période durant laquelle il écrivit Le Coiffeur du quartier des pauvres, porté à l’écran par Mohamed Reggab (1982). Depuis, il crée des pièces (Grandeur et décadence de Marrakech, 1980 ; Le Requin, 1987 ; Les Jours de gloire, 1994 ; Guilgamesh, 1997 ; Les Enfants du pays, 2000 ; Jeux africains, 2001 ; Je traverse une forêt noire, 2002 ; Les Topographes, 2005 ; La vie à côté, 2007), édite des romans (Les Cochons, Aljamiaa, 1983 ; Celestina, Najma, 1993 ; Le Roi des juifs, Arrabita, 1995 ; Haschisch, Le Fennec, 2000 / Actes Sud, 2007 ; Mitrou Mouhal, Le Fennec, 2006 ; Zoo Story, Le Fennec, 2007), travaille aussi bien sur des scénarios et dialogues que sur des mises en scène. Il est l’un des membres fondateurs du Théâtre Shem’s et a dirigé la revue littéraire Najma. Il écrit également pour la radio : sa fiction Miroir ocre a été diffusée par France Culture en 2002.